Aux poils !!!

Si ce sujet peut sembler futile ou totalement superflu, lorsqu’on gratte un peu le vernis, on s’aperçoit que les poils aux jambes véhiculent bien plus de symboles, mythes et idées reçues qu’un simple souci de pilosité. En envisageant ce problème existentiel du coureur à pied de façon pragmatique, quelles pourraient être, alors, les avantages de courir avec des jambes glabres ?

La cicatrisation

L’argument avancé en premier par les « sans poils » reste celui de l’avantage que le rasage apporterait en cas d’accident. En effet, le fait de ne pas avoir de poils faciliterait la cicatrisation ou, tout du moins, limiterait le risque infectieux en cas de chute. Même si cela pourrait paraître intellectuellement satisfaisant, lorsque l’on passe cet argument à la moulinette de la littérature scientifique, les conclusions sont bien moins tranchées. Par exemple sur le rasage pré-opératoire du cuir chevelu, il n’existe aucune preuve solide qui plaide en faveur d’un avantage d’un rasage préopératoire pour diminuer le risque d’infection post-opératoire (3).

Run Advisor - Application de running -  Santé - Raser les poils des jambes - © David Gonthier

De même, concernant les techniques d’épilation ou de rasage, il n’a pas été trouvé de différences significatives entre les différentes techniques (4).

Ces études s’intéressant cependant au cuir chevelu, en est-il différemment pour les plaies des jambes ? La question reste ouverte, même s’il apparaît que le bon pronostic d’une plaie passe davantage par une bonne désinfection que la présence ou non de poil. Mais cela ne reste qu’un simple avis d’auteur. Il est toutefois, fort désagréable de laisser des poils sous les éventuels straps et autres colles de pansement et, dans ce cas, une épilation ciblée post-chute pourrait suffire…

La pratique du trail, augmente quelque peu l’incidence des chutes en course à pied, cependant il est peu probable que l’aspect cicatriciel soit celui qui motive le plus le coureur à pied de délaisser son manteau pilaire.

Les massages

En général, l’argument avancé par les coureurs est celui des avantages prodigués par des jambes rasées lors des massages ; il s’agit d’ailleurs d’un argument également rapporté par les aficionados des deux roues. Soyons honnête, quelle est la proportion des athlètes et cyclistes se faisant masser régulièrement ? Pour autant, lorsque le sacre saint soin de récupération vous est proposé, il est clair que l’absence de poils est une réelle plus-value aussi bien pour le massé que pour le masseur.

Run Advisor - Application de running - Santé - Massage des jambes - © David Gonthier

La performance

Penchons-nous maintenant sur un argument qui fait son chemin du côté des cyclistes : celui de la performance.

Si concernant, les nageurs le débat ne se pose pas – le gain amené par le rasage étant réellement significatif puisqu’une étude a mesuré la diminution de la production de lactates dans le sang de 25 % dans le cas d’un rasage intégral (1) – concernant le vélo, des ingénieurs ont évalué en soufflerie, les avantages prodigués par le rasage des jambes, mais aussi des bras et de la barbe sur un test d’une heure sur home-trainer. Pour ce qui concerne la barbe, aucun avantage ne semble démontré, ainsi, si vous aimez faire du vélo en barbe, ne vous en privez pas ! Pour ce qui est des jambes, l’étude avance, en revanche, un gain de temps d’environ 70 secondes pour les jambes rasées, auxquelles on peut ajouter 19 secondes pour les bras rasés. Le gain reste donc intéressant. Cependant, quelques pondérations peuvent être amenées. En effet, ce gain est par exemple, comparable à celui obtenu par un changement de cadre à tubes ronds vers un cadre à tubes ovales, plus aérodynamique. Autre point, les perturbations amenées par un porte-bidon sans bidon reste quasiment similaire en termes de perte de temps à celles dues à des jambes non rasées. Et enfin dernier point, lorsque vous vous battez dans un col pour voir afficher les deux chiffres au compteur, ce n’est plus, soyez-en sûr, un problème de poils.

Or, en course à pied, il est bien rare d’admirer des coureurs se déplaçant à plus de 20 km/h, vitesse à laquelle la trainée aérodynamique est impactante et peut être améliorée par quelques procédés ; d’autant plus que l’habillement semble, en la matière, plus efficace que le rasage…

L’esthétisme

Maintenant, amenons sans doute l’élément le plus évident dans le fait de se raser les jambes ou pas, celui de l’esthétisme et de l’appartenance à un groupe.
Clairement, le rasage laisse ressortir les muscles saillants (ou pas d’ailleurs). Cette justification esthétique propre au vélo gagne les pelotons de coureurs à pied. L’ère des réseaux sociaux où l’image paraît parfois plus importante que la performance sportive en elle-même renforce ce besoin de laisser apparaître, les galbes musculaires, les veines apparentes et autres critères socio-esthétiques. Il est à noter que si les codes vestimentaires évoluent, le rasage traverse le temps et se renforce même à l’heure actuelle.

Run Advisor - Application de running - Santé - Raser les poils des jambes - © David Gonthier

De plus le rasage, classe le pratiquant dans une certaine hiérarchie d’implication personnelle dans sa pratique. En d’autres termes dans le milieu, on « fait le métier » quand on commence à se raser les jambes, même si (et cela reste encore une fois un avis d’auteur) des éléments bien plus efficaces dans l’amélioration pour sa pratique sont laissés de côté.

Ce qui pouvait apparaître comme un manque de virilité il y a quelques temps, rentre tout doucement dans la norme sociale. En effet les salons d’esthétique sont maintenant fréquentés par la gente masculine, les footballeurs se rasent également. Et si les métrosexuels devenaient des borneurs ?

Peut-être que dans un avenir plus ou moins proche, cette tendance prendra le penchant inverse. La culture du défi, de la baroude qui regroupe bien souvent les amoureux de la borne tendra vers une renaissance du poil.

Texte : Thomas Lorblanchet
Photographies : David Gonthier


Bibliographie et références :
1. SHARP (1988) – The Effect of Shaving Body Hair on the Physiological Cost of Freestyle Swimming – J Swim Res
2. Yu (2014) – The Win Tunnel : Shaved and Dangerous – Specialized – Youtube
3. Kjonnisken (2002) – Preoperatoire hair removal – A systematic literature review – AORN J
4. Tanner (2011) – Preoperative hair removal to reduce surgical site infection – Cochrane Database
5. Garnotel (2009) – Le peloton cycliste : De la culture technique à la sous-culture sportive – Techniques et Culture

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